Gestion des eaux usées et assainissement, l'urgence d'agir pour préserver l'environnement et la biodiversité

Gestion des eaux usées et assainissement, l'urgence d'agir pour préserver l'environnement et la biodiversité

Eau, climat, environnement. Le sort de ces trois dimensions vitales pour la planète Terre est étroitement lié. Chaque événement climatique extrême (montée du niveau des mers, cyclones, sécheresses…) vient ainsi fortement perturber les ressources, comme les services d’eau et d’assainissement des régions les plus vulnérables. Dans le même temps, partout dans le monde, la contamination des eaux a des effets néfastes sur l’environnement et la biodiversité. Le point sur une problématique rarement mise en avant : les enjeux environnementaux liés à l’assainissement de l’eau et les solutions à déployer pour l’améliorer.

Quelque 2,4 milliards d’humains manquent aujourd’hui encore d’installations sanitaires de base, telles que des toilettes ou des latrines1. En Éthiopie par exemple, selon un rapport du Fonds des Nations Unies pour l’enfance, seuls 6 % des ménages ont accès à des installations sanitaires améliorées2. Au total, des dizaines de millions d’individus vivent à proximité de cours d’eau gorgés d’eaux usées.

DES CONSEQUENCES EN CHAINE SOUS-ESTIMEES

Liée à l’activité humaine, domestique et industrielle, à la pression démographique ou encore à une mauvaise gestion, la contamination de l’eau a des conséquences dramatiques, d’abord sur le plan humain. Chaque année, ce sont 2,4 millions de personnes qui meurent de maladies liées à l’eau, à un manque d’eau potable, d’assainissement ou d’hygiène. 1,4 million sont des enfants de moins de 14 ans souffrant de diarrhées3.

Mais cette réalité a d’autres répercussions néfastes. Dans de nombreuses grandes villes, de gigantesques volumes d’eaux usées se déversent, sans traitement, dans la nature. Cultures irriguées, poissons, écosystèmes fragiles… Les conséquences sont dramatiques. C’est par exemple le cas à Mayotte, où les mangroves, interfaces d’une grande richesse biologiques essentielle pour l’île et son lagon, sont gravement mises en danger par un défaut d’assainissement des eaux pluviales et urbaines4.

« L’un des plus grands défis en matière de gestion des eaux usées concerne ses retombées sur l’environnement, insiste Riccardo Zennaro, Programme Management Officer (Wastewater) au Programme Environnement (UNEP) des Nations-Unis. La qualité de l’eau a des répercussions directes sur les habitats comme sur la biodiversité. Une fois que les contaminants sont dans l’environnement, ils s’écoulent par exemple depuis l’amont en aval, avec des conséquences en chaîne sur les habitats, la santé humaine et la biodiversité ».

Malgré ces répercussions très concrètes, la problématique reste peu visible. « Les eaux usées sont une pollution silencieuse, on ne pense pas à ce qui se passe une fois la chasse d’eau tirée, remarque Riccardo Zennaro. Parce que le sujet est moins accrocheur que d’autres, l’un des premiers enjeux est celui de son exposition ».

La prise de conscience autour de cet enjeu semble toutefois s’accélérer dernièrement. Les initiatives se multiplient à travers le monde de la part d’entreprises, de gouvernements et différentes parties prenantes telles que les Nations-Unies, les instituts de recherche ou les universités. Une réalité ne peut être ignorée : l’amélioration de la gestion des eaux usées et de l’assainissement produit des bénéfices en cascade, au-delà même de la dimension sanitaire. « Si vous investissez dans la réutilisation des eaux usées, vous améliorerez votre accès à l’eau disponible, soit un bénéfice plus que prioritaire dans les zones où l’eau est rare. Et vous donnez à toute une communauté les moyens de s’élever ».

DES SOLUTIONS ADAPTEES AUX SPECIFICITES LOCALES ET AUX ENJEUX CLIMATIQUES

Mettre en œuvre des solutions performantes, adaptées aux contraintes locales, pour améliorer l’assainissement implique de relever plusieurs défis simultanément. Il faut ainsi trouver des technologies alternatives, à faible coût, mobilisant des solutions naturelles pour le traitement des eaux usées. Sans faire l’impasse sur une dimension désormais incontournable : la capacité de résister, dans des régions souvent particulièrement exposées, aux conséquences du changement climatique (intempéries, inondations, sécheresses).

« Lorsqu’il n’est pas possible de mettre en place des systèmes conventionnels, il est essentiel de se tourner vers des options décentralisées et peu coûteuses basées sur des approches alternatives telles que par exemple EcoSan (Ecological Sanitation) », explique Riccardo Zennaro. L’atout de ces latrines ? Leur capacité à dissocier des flux d’eaux ménagères et des excréments, avec la valorisation de l’urine et des matières fécales par des toilettes sèches.

Les systèmes de traitement à petite échelle permettent aux populations d’accéder à un assainissement de base, de diminuer la contamination de l’environnement et de transformer les eaux usées en sous-produits réutilisables pour l’agriculture et l’énergie. Outre leur coût réduit, l’un des atouts majeurs est que le système ne nécessite qu’un entretien très restreint.

Autre initiative : à Delhi, en Inde, où l’écoulement des eaux usées pollue gravement les cours d’eau de la ville. En décembre 2021, le gouvernement indien a annoncé son intention de traiter plus de 95 % des eaux usées de la ville d’ici à la fin de 2022. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a lancé une étude pour évaluer les différentes technologies utilisées par les stations d’épuration des eaux usées pour la récupération et le recyclage des nutriments en vue d’une réutilisation sûre et durable des eaux usées à Delhi5. L’étude a révélé que le système de réacteur à biofilm à lit mobile (MBBR) est le plus adapté aux spécificités de la ville. Inventé en Norvège, le MBBR est un système moderne qui utilise une combinaison de processus biologiques plutôt que seulement chimiques ou mécaniques pour traiter l’eau et éliminer les polluants. Principale difficulté : des coûts de maintenance importants.

Ces avancées peuvent être un motif d’espoir pour les nombreuses régions à travers le monde qui souffrent de l’impact d’un assainissement défaillant, voire inexistant. Car le fait est que les innovations technologiques pour des stations d’épuration propres ne manquent pas. Citons ici l’exemple de la East Bay Municipal Utility District (EBMUD) d’Oakland, en Californie. Depuis dix ans, le site utilise les déchets organiques des entreprises locales de transformation des aliments, des producteurs de denrées alimentaires et des éleveurs de bétail afin de mieux utiliser la capacité excédentaire de ses digesteurs anaérobies existants.

De même, grâce à la production et à la récupération de biogaz, ainsi qu’à des panneaux solaires, la station d’épuration des eaux usées de la ville de Gresham, en Oregon, est la première du nord-ouest du Pacifique à produire plus d’électricité qu’elle n’en consomme. De même, DC Water est la première station en Amérique du Nord à adopter le procédé d’hydrolyse thermique de la société Cambi. Le biogaz créé permet à la station d’épuration de générer 10 mégawatts d’électricité, répondant à un tiers des besoins énergétiques de la station.

Pour orienter les zones prioritaires vers ce type de solutions innovantes, des dispositifs d’information sont mises en place. C’est notamment le cas de la publication proposée depuis 2008 par l’EAWAG (Institut fédéral suisse des sciences et technologies aquatiques).

Le Compendium6 est un document synthétique d’orientation destinés aux ingénieurs et planificateurs des pays à faible et moyen revenu. Objectif : leur présenter les technologies éprouvées et testées. Le PNUE, en collaboration avec l’International Water Association (IWA), a élaboré une matrice technologique des eaux usées, un outil qui aide à planifier la meilleure technologie de traitement à utiliser en fonction des paramètres locaux. Mais au-delà de l’information, l’enjeu reste d’abord financier, rappelle Riccardo Zennaro. « La gestion des eaux usées est un secteur qui a besoin de davantage de ressources et de financement pour surmonter les défis, moderniser les systèmes de traitement existants, en installer de nouveaux. Définitivement, il faut retenir que dans le domaine de l’assainissement et de la gestion des eaux usées, le coût de l’action est inférieur à celui de l’inaction ».

Notes —
1. https://www.unicef.fr/article/21-milliards-de-personnes-nont-pasacces-a-leau-potable-salubre/
2. https://www.unicef.org/ethiopia/water-sanitation-and-hygiene-wash
3. https://www.fondapol.org/etude/payen-eau-defis-mondiauxperspectives-francaises/#note57_0
4. https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/cooperer-avec-uneassociation-de-protection-de-lenvironnement
5. https://www.unep.org/news-and-stories/story/how-reducepollution-delhis-waterways-study.
6. https://www.eawag.ch/fileadmin/Domain1/Abteilungen/sandec/ schwerpunkte/sesp/CLUES/Compendium_2nd_pdfs/Compendium_2nd_ Ed_Lowres_1p.pdf 

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