Net-zero economy : quels leviers d’action pour les entreprises ?

Net-zero economy : quels leviers d’action pour les entreprises ?

Ford, Nike, Microsoft, Danone… Les unes après les autres, les entreprises de dimension mondiale, voire des regroupements interprofessionnels entiers (à l’image du secteur de l’aviation), s’engagent à atteindre la neutralité carbone. Visant généralement l’horizon 2050, ces déclarations d’intention témoignent assurément d’une prise de conscience planétaire. Comme pour les États, la question ne porte désormais plus tant sur la fin, que sur les moyens : les solutions concrètes à mettre en place pour tenir les objectifs fixés. Focus sur trois leviers d’action devenus incontournables.

Le cabinet PwC1 a calculé que maintenir le réchauffement de la planète à moins de 1,5 °C – et ainsi se placer dans la trajectoire des accords de Paris – impliquerait d’atteindre un taux annuel de décarbonisation de 11,7 %. Soit un chiffre cinq fois supérieur aux résultats obtenus avant la pandémie (2,4 % en 2019). Si cet objectif semble encore inatteignable, sous la pression croissante des opinions publiques mondiales, États comme entreprises s’engagent bien sur le chemin de la transition climatique.

La mesure des émissions, première étape périlleuse, mais incontournable

Les effets d’annonce se multiplient… Mais comment traduire les mots en acte ? Tout l’enjeu de la neutralité carbone tient pour une entreprise dans sa capacité, d’une part, à réduire au minimum ses rejets d’émissions de gaz à effet de serre et, d’autre part, à atteindre l’équilibre entre ceux-ci et leur absorption par des puits naturels (sols et forêts). Autant de données qui doivent impérativement être quantifiées. Arnaud Doré, Directeur des solutions fondées sur la nature d’EcoAct, entreprise du groupe Atos, explique : « s’il est indispensable de réduire drastiquement les émissions ainsi que de financer des projets augmentant notre capacité de séquestration, atteindre le net zero carbone implique, avant tout de réaliser des mesures précises, exhaustives et objectives ».

Soit un premier défi de taille : dans une étude récente menée dans 12 pays2 auprès de 1 290 structures, le Boston Consulting Group (BCG) révèle que seuls 9 % des entreprises mesurent aujourd’hui leurs émissions directes et indirectes (celles de leurs fournisseurs notamment). Alors même que le rapport pointe que « mesurer les émissions de CO2 de manière exhaustive, précise et régulière » est essentiel pour atteindre les objectifs de réduction, 81 % omettent certaines de leurs émissions internes dans leurs rapports, et 66 % ne déclarent même aucune de leurs émissions externes – qui représentent pourtant près de 90 % du total…

C’est bien en se fondant sur le diagnostic des postes les plus émetteurs et sur la projection de leur évolution que l’entreprise pourra déterminer la stratégie bas carbone à mettre en œuvre, repenser le budget à allouer, réorienter ses priorités business, trouver les partenaires auprès desquels se rapprocher, etc. Loin d’être esseulées pour relever ce défi, les entreprises peuvent notamment s’appuyer sur une initiative telle que celle de Science Based Targets (SBTi)3, lancée par Carbon Disclosure Project (CDP), le Global Compact des Nations Unies, World Ressource Institute (WRI) et World Wildlife Fund (WWF). Dans le cadre de ce projet conjoint, un premier standard de référence visant la neutralité carbone pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C vient récemment d’être dévoilé. Méthodologies d’alignement, outils techniques, critères, guides pratiques… Les acteurs disposent d’un cadre complet pour notamment fixer des objectifs adaptés à leurs activités. Avec, à la clé, un autre levier déterminant : la certitude de proposer des données tangibles facilitant le ciblage par les investisseurs des structures réellement engagées dans la transition énergétique.

Des crédits carbone pour compenser ses émissions

Deuxième volet déterminant de toute ambition de neutralité carbone : la compensation. L’approche consiste, pour une entreprise, à financer un ou plusieurs projets destinés soit à réduire, soit à capter les émissions de CO2. A l’image d’EcoAct, des structures ont développé un savoir-faire reconnu sur cette seconde approche – aujourd’hui largement privilégiée par les organisations comme les territoires. « Les stratégies sont essentiellement locales, mais si l’on veut atteindre l’équilibre, accompagner les pays en développement est indispensable, insiste Arnaud Doré. Avoir une stratégie de lutte contre le changement climatique visant le net zero implique le recours à des projets qui génèrent des crédits carbone ». Diminution de l’usage du charbon de bois issu de forêts, préservation des puits de séquestration carbone, programmes marins : le panel de possibilités est large.

Alors même que le marché des crédits carbone volontaires devrait doubler entre 2020 et 2021, le sujet vient de connaître une évolution potentiellement décisive. Nombre de spécialistes considèrent ainsi que l’une des avancées les plus intéressantes de la récente COP de Glasgow concerne la reconnaissance – attendue depuis la COP21 – d’un marché international, régulé, des crédits carbone. A la clé : la possibilité d’échanger, sous forme d’actifs, les réductions de gaz à effet de serre, tout excluant le risque de double comptage. Concrètement, un État ou une société qui ne parvient pas à atteindre ses objectifs environnementaux a la possibilité d’acquérir les réductions d’émissions carbone qu’elle génère à l’étranger pour les intégrer à son bilan. Point essentiel : pour être « autorisés », ces crédits carbone doivent être jugés conformes par un organe de contrôle des Nations-Unis.

Aussi précieuse soit-elle, la compensation fait figure de solution nécessaire, mais insuffisante. Ainsi que le résume Arnaud Dore en une formule : « planter des arbres en France, ce ne peut être la seule solution. Accroitre notre capacité de séquestration et préserver des écosystèmes partout dans le monde tout en parvenant à réduire drastiquement ses émissions directes et indirectes dans le pays, c’est déjà beaucoup mieux ».

Au cœur de la neutralité carbone : une stratégie de réduction des émissions

Ce constat est partagé par tous les acteurs actifs sur le sujet, à l’image, en France, de l’Agence de la transition énergétique (ADEME). La structure souligne que « s’engager pour la neutralité carbone ne consiste pas à rechercher un état statique. C’est un réel challenge à relever qui va nécessiter une vision à long terme et une action régulière au fil du temps »4. S’engager dans une telle démarche de progrès continue passe par un vaste corpus de mesures : réduire autant que possible sa consommation d’énergie fossile, limiter les transports de marchandises comme les déplacements de collaborateurs, protéger les stocks existants dans les forêts et les sols, etc. Le bilan réalisé en amont doit nourrir le plan de réduction, prévoyant des objectifs à court, moyen et long termes pour les principaux postes d’émission de l’entreprise.

Autre dimension clé à ne pas sous-estimer : la sensibilisation et la formation sur le sujet en interne pour développer une véritable culture environnementale. Ce levier se révèle particulièrement important pour les PME – les entreprises de moins de 250 salariés représentant près de 90 % des structures dans le monde5. Pour celles-ci, le défi climatique se pose généralement dans des termes différents que ceux des grands groupes. Sont surtout privilégiés la qualité de l’air, la gestion des déchets et les transports, plutôt que la réduction des émissions globales. Mais, au-delà des difficultés techniques et financières, comme les obligations légales, leurs dirigeants doivent garder à l’esprit que l’amorçage d’une véritable transition énergétique constitue, pour ces structures comme pour les autres, un choix stratégique clé pour s’inscrire elle-même dans la durée.

Notes —
1. https://www.pwc.fr/fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/janvier/pwc-net-zero-economy-index.html
2. https://web-assets.bcg.com/86/d8/0532a17246b888265292f56ef998/gamma-ai-emissions-211011.pdf
3. https://sciencebasedtargets.org/
4. https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis-ademe-neutralite-carbone-2021.pdf
5. https://www.worldbank.org/en/topic/smefinance

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