Croissance de la population : le défi alimentaire mondial

Croissance de la population : le défi alimentaire mondial

Nourrir durablement une population grandissante : un défi mondial

Le secteur alimentaire et l’agro-industrie présentent des impacts économiques, sociaux et environnementaux majeurs. Au niveau mondial, ils représentent 10 % des dépenses des consommateurs, 40 % des emplois et 30 % des émissions de gaz à effet de serre.

Enjeux accrus, nouvelles tendances de consommation, scandales alimentaires ou impacts environnementaux, cette problématique est aujourd’hui plus que jamais au menu.

Des enjeux pour l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire

Croissance de la population, urbanisation, développement économique des pays émergents ou évolution des modes de consommation, autant de forces majeures qui nourrissent le défi alimentaire mondial.

La croissance de la population mondiale est le principal ingrédient qui alimente l’urgence de ce défi. D’après les projections, nous serons en effet 9,7 milliards d’êtres humains en 2050, principalement citadins. Phénomène observé il y a plusieurs dizaines d’années dans les pays développés, en cours dans les pays émergents, la migration des campagnes vers les villes est un élément structurant de nos comportements alimentaires.

En 2015, 54 % de la population vivait dans des villes, en 2050 ce sera les 2/3.

Si la tendance actuelle continue, la demande en calories augmentera de 70 % et les besoins en cultures, pour la consommation humaine ou l’alimentation animale, devraient au minimum doubler.

Dans le même temps, la surface agricole par habitant diminue. Elle a été réduite de moitié depuis 1960 et devrait encore diminuer de 15 % d’ici 2050. De plus les gains de productivité ralentissent et le gaspillage n’a jamais été aussi élevé. 30 % de la nourriture est en effet perdue, que ce soit dans les pays émergents ou développés.

Des investissements majeurs sont donc nécessaires pour faire face à une demande en forte croissance, mais aussi pour répondre à l’émergence de nouvelles tendances de consommation et surtout optimiser l’utilisation des ressources.

De nouvelles tendances de consommation dans les pays émergents

D’ici 2020, plus de la moitié de la croissance du PNB mondial devrait venir de pays hors OCDE. Plus de la moitié de la population urbaine également. Non seulement la demande de nourriture de ces pays va exploser, mais elle va aussi s’enrichir : plus de calories, de protéines et de plats préparés notamment.

L’augmentation de la demande en protéines y est un enjeu majeur. Avec des dépenses annuelles de 300 milliards de dollars, la Chine est déjà le plus gros consommateur de viande au monde, en particulier de porc, et la consommation de protéines devrait y croitre de 3 à 4 % par an pour accompagner la demande des classes moyennes.

Toute la chaîne de valeur devra répondre à ce phénomène. Prenons le cas de la chaîne du froid : elle devra se repenser sous la double influence des gouvernements et des consommateurs, plus exigeants en termes de qualité et de sécurité alimentaire. En Chine par exemple, les marchés du transport et du stockage frigorifiques devraient progresser de 20 % par an au cours des 10 prochaines années pour atteindre le niveau des pays développés.

Les pays développés ne restent pas sur leur faim

Un américain mange aujourd’hui 500 calories de plus que dans les années 70, l’obésité est un enjeu de santé publique et les gens aspirent à manger mieux ou différemment. On parle développement des produits bio, végétariens et végans.

Le marché du bio est en forte croissance, principalement en Amérique du Nord et en Europe qui représentent les 4/5ème des ventes. Il est toutefois intéressant de noter que si les 3 premiers marchés sont les Etats-Unis, l’Allemagne et la France, la Chine arrive déjà en 4ème position.

Anthropologues et spécialistes de la nutrition sont d’accord pour dire que nous mangeons trop de viande. Au départ le véganisme était un marché de niche et un mouvement contestataire. Aujourd’hui un nombre croissant de personnes se disent prêtes à réduire leur consommation de viande (en France, plus de 80kg / personne / an) ou à s’en affranchir totalement. Ainsi en Grande-Bretagne, déjà 20% des jeunes de 16 à 24 ans se déclarent végans.

La nature des produits évolue, la manière de les consommer également. L’urbanisation ou la place grandissante des femmes dans la population active sont des évolutions sociétales majeures qui ont un impact sur notre relation à la nourriture.

Nous cuisinons moins, ce qui favorise le développement de la vente à emporter et la livraison à domicile d’une part et la fréquentation des restaurants d’autre part. Aujourd’hui 1/3 des calories ingérées par les Américains le sont au restaurant, c’est 2 fois plus qu’en 1970. Pour la première fois, les américains dépensent plus dans les bars et les restaurants qu’au supermarché pour se nourrir.

L’évolution des comportements est aussi générationnelle. Les Millenials mangent en moyenne 3,4 fois par semaine en dehors de chez eux, contre 2,8 fois par semaine pour le reste de la population. Ils sont aussi les premiers consommateurs de livraisons à domicile via leurs smartphones.

Notre planète dans le rouge

Les ressources sont indéniablement sous pression. Selon l’ONG Global Footprint, le 1er août 2018 devrait représenter le jour où nous avons consommé l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en une année. Pour subvenir à nos besoins actuels 1,7 planètes sont nécessaires ; ce qui signifie que nous vivons déjà à crédit sur la planète alors que les besoins à venir sont immenses.

D’ici 2030, 40 % de la demande en eau pourrait ne pas être satisfaite. 20 % des terres arables sont déjà dégradées. Sécheresses, inondations, tempêtes, canicules, le spectre des catastrophes climatiques est large et les probabilités d’occurrence augmentent.

C’est dans ce contexte de réalité que devront se faire les investissements nécessaires pour répondre à une demande en forte croissance. Gouvernements, entreprises, associations, citoyens, nous devons relever ensemble ce défi alimentaire mondial pour aujourd’hui et les générations futures.

— Tegwen Le Berthe, Spécialiste Investissement thématique et ESG, CPR AM

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